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John M ARMLEDER, Jean CARZOU -
Communiqué de presse
Galerie Richard présente dans leur galerie de New York une exposition en duo de John M Armleder et Jean Carzou du 5 juin au 23 août 2014. L’exposition aura un deuxième volet à la galerie parisienne du 11 octobre au 22 novembre 2014.
Le jeune Karnik Zouloumian, né à Alep en Syrie en 1907 s’installait en Egypte avec sa famille arménienne, poursuivitt de brillantes études au Caire. A 17 ans il s’établit à Paris pour étudier à l’Ecole Spéciale d’Architecture; il en sort diplômé en 1930, fait « des ronds et des carrés » à Montparnasse, devient Jean Carzou par souci d’intégration. En très peu de temps avec ses décors oniriques de l’Opéra de Paris, les décors de théâtre des années 50, le peintre Jean Carzou devient une des plus grandes figures du monde de l’art. La revue Connaissance des Arts le classe en 1955 parmi les dix peintres les plus importants de sa génération. Son style graphique acéré acquiert une immense popularité dans les décennies 60/70 dont plus aucun artiste français ne bénéficiera depuis. Fer de lance de la figuration alors que dans le même temps Georges Mathieu et Victor Vasarely règnent sur l’abstraction, c’est à ces trois artistes, créateurs de style que la station de radio RTL propose de concevoir le nouveau design de la façade d’immeuble à Paris. La station RTL choisit en 1972 le motif Op Art de Vasarely qui illustre à l’évidence les années 70.
John M Armleder (né à Genève en 1948), fondateur en 1969 à Genève, avec d’autres artistes proches de Fluxus, du groupe Ecart et de la galerie du même nom, a développé une œuvre incroyablement subtile et complexe. Sa démarche repose sur l’idée que les œuvres évoluent en relation avec les choses qui existent déjà. Il œuvre par stratégie de brouillage et de dé-hiérarchisation, reconsidère ici l’œuvre de Jean Carzou, prend le risque de réévaluer l’œuvre de cet artiste désormais relégué au rang de peintre mineur après la gloire des années 60 et 70. « … C’est bien pour cela que je célèbre avec obstination des artistes jugés comme mineurs, Jean Carzou par exemple parce que je pense que fondamentalement Malévitch sans Carzou n’existerait pas. A vrai dire, j’ai une capacité de sympathie pour à peu près tout… Je ne crois pas à la question du bon et du mauvais goût. Quelque part, ces formes de disqualifications m’alertent dans la mesure où je suis persuadé que ce sont les mêmes raisons ou les mêmes ingrédients qui vont permettre de célébrer ou de déconsidérer telle ou telle œuvre. Pour un objet artistique c’est la même mécanique, le même schéma. Entre la valeur ajoutée et la valeur diminuée, le jugement procède exactement des mêmes principes, il n’y a aucune différence» (1). John M Armleder a choisi de présenter dans cette exposition la maquette d’architecture – oubliée depuis plus de 40 ans, que Jean Carzou avait proposé pour la façade de l’immeuble RTL: un moucharabieh, un élément architectural ornemental ayant traversé le temps, où l’on retrouve les motifs du machinisme onirique de ses peintures. Une résille recouvre la façade à laquelle l’architecture contemporaine a rendu raison, ce concept étant devenu omniprésent dans l’architecture (refer la peau d’aluminium du New Museum. John M Armleder choisit d’associer « Les ronds et carrés » du jeune Carzou à ses «Pour and puddle paintings». « Les ronds et carrés » sont des métapeintures, images d’une abstraction des années 30, parfaitement réalisées par l’artiste. Elles partagent un espace temporel avec la calme furie des splendides peintures « Pour and Puddles ».
On aura du mal à imaginer que Jean Carzou et John Armleder puissent être contemporains. Carzou au faîte de sa fortune, membre de l’Académie des Beaux-Arts, avait commis quelques imprudences en condamnant sans appel Picasso et même Cézanne, synonymes à ses yeux de « la décadence de la peinture ». Ses prises de positions radicales lui valurent une grande hostilité du monde de l’art. C’est dire l’audace délestée de toute ironie de John Armleder. Il mise gros à célébrer un vaincu. Dans son autobiographie Jean Toussaint Desanti expliquait que le philosophe est celui qui a chaque fois mise la totalité des acquis, de ses acquis. « Un philosophe est un flambeur », il se doit de remettre en jeu son savoir, ses idées. Il faudra probablement attendre les prochaines générations pour pleinement appréhender l’importance de cette coprésence de Jean Carzou et de John Armleder. Seulement présente et encore très modestement l’intelligence déconcertante du très cultivé John Armleder.
Les dendrites de George Sand (qu’aurait très bien pu illustrer Jean Carzou) s’inscrivent dans l’histoire des images naturelles et accidentelles utilisées ou produites par les artistes pour stimuler leur imagination. A la différence de Victor Hugo qui use de techniques analogues de taches aléatoires, George Sand n’utilise le hasard que pour créer des paysages, pour « faire de la nature », « pour la faire vraie ». Un artisanat modeste et madré pour en finir avec les vanités de la subjectivité. On pourrait tracer une histoire de la subversion de ces modestes, de la capacité de leurs oeuvres à agir avec retardement.
Cécile Calé
Commissaire d’exposition et Conseiller en art, Paris, mai 2014.
Cécile Calé a fondé le Cercle Spiridion avec Claude Darras. Commissaires d’expositions indépendants basés au Château de Vert-Mont.
(1) John Armleder in “La création contemporaine “ publié chez Flammarion.