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Stefan HOENERLOH - Collection de l'artiste
Communiqué de presse
Interview de Stefan Hoenerloh par Jean-Luc Richard le 6 novembre 2009
Jean-Luc Richard: La nouvelle exposition à la galerie s’intitule “Collection de l’artiste”. A l’opposé de la collection de Martin Parr qui comprend de nombreux photographes et des objets très variés, ta collection se focalise sur tes propres oeuvres. Comment expliques-tu cette différence?
Stefan Hoenerloh: Nous collectionnons tous deux ce qui nous inspire. Martin Parr se définit lui-même comme un photographe dans la lignée de la photographie documentaire. Sa collection montre différents aspects du réel qui l’inspirent dans son travail. Je ne suis pas un peintre réaliste. Mes peintures posent la question de la représentation au travers d’un univers personnel dans lequel je développe mon propre vocabulaire. Je peins des concepts, la lumière, le fait culturel, la civilisation, le temps, l’histoire, celle du XXème siècle et celle du XXIème. Je pose les questions existentielles à notre temps sans les illustrer littéralement. Il en résulte que je n‘ai pas le besoin de collectionner des objets ou images autour de moi car on ne collectionne pas des concepts.
JLR: Comment collectionnes-tu? Ce sont des oeuvres que tu as toujours gardé, des oeuvres que tu as acheté? Quelles sont tes motivations pour les garder?
SH: Quelquefois après avoir fini une peinture, ça me prend quelques semaines pour savoir si je décide de ne pas la vendre, et parfois la peinture revient après plusieurs expositions et je décide de la garder. Cela dépend si je vois quelque chose dans la peinture qui m’aide à peindre de nouvelles: une structure particulière, toutes sortes de raisons techniques. L’idée en elle-même, ce n’est pas la raison de la garder parce que je ne peux pas perdre l’idée. Mais la technique parfois diffère tellement d’une toile ou l’autre (de mon point de vue), que j’essaie de garder la peinture une année. (Presque toutes les peintures sont vendues, celles des premières années quasiment toutes.) Les premières peintures en particulier ont été l’objet d’un grand combat, beaucoup d’entre elles ont été peintes puis refaites, corrigées. Aujourd’hui je sais comment peindre, mais il y a vingt ans c’était par tâtonnements. La moitié des oeuvres n’était pas aussi intéressantes que celles de maintenant, j’ai du les détruire. Donc mes oeuvres “privées” sont le résultat de la quintessence des peintures qui ont été vendues, et ma première intention était de les garder pour les montrer dans des musées. Pour ce qui sont dans cette exposition, je ne peux pas donner de pourcentages pour certaines d’entre elles, elles sont sacrées!
JLR: Pour chacune de ces dix peintures exposées provenant de ta collection personnelle, peux-tu nous révéler pour chacune d’entre elle l’intérêt particulier que tu leur portes?
SH :
Miniatur zu: Das Auge des Schweigens
Dans cette peinture ce sont les taches claires et noires qui me fascinent. Elle illustre l’idée que les reflets lumineux sur les objets ne sont pas les seuls à créer des contrastes. La couleur peut prendre une partie importante dans la création de clair-obscurs. C’est un premier pas vers le post-structuralisme en quelque sorte.
Opus Alcar
Cette œuvre fut la première avec un fond d’encre caché sous l’huile. J’ai gardé celle-ci pour sa qualité technique.
Entwurf zu: Blvd Steinsog 34-36
J’ai choisi de garder cette peinture pour m’en inspirer pour la création d’une version plus grande (c’est une sorte d’œuvre préparatoire) qui aura quatre fois sa taille.
Revenge of the Toran Building
Cette peinture est maintenant une des œuvres maîtresses de ma collection privée car je l’ai rachetée au collectionneur qui l’avait acquise. J’ai l’intention de proposer à la vente la première version intitulée « 97 ».
L’aspect technique des couleurs est fascinant – la plupart de mes nouvelles peintures n’ont pas ce chatoiement bleuâtre et jaunâtre et j’ai perdu le chemin de cette luminosité. Alors je l’accroche parfois à côté des peintures en cours pour contrôler la gamme des bleus et jaunes.
Scotty Plaza (III)
La première esquisse pour Scotty Plaza fut presque détruite à cause d’un mauvais accord de couleurs. Celle-ci en revanche montre ce que j’imaginais au départ et comporte un sens du contraste que je voudrais obtenir dans toutes mes peintures.
Winners of the Isabel Rawsthorne Competition: Das Gummipferd
La simplicité de ce type de pièces me rappelle à l’ordre et me permet de rester simple. L’idée des arrière-plans foncés avec des portraits isolés de Francis Bacon fut la source pour au début une fenêtre, à ce qui apparaît sur un mur foncé et illuminé en même temps. Plus tard c’est devenu une rangée de fenêtres comme les triptyques de Bacon. Au sujet du titre : Isabel Rawsthorne fut peinte non seulement par Bacon, mais aussi par Picasso et Giacometti. En ce qui concerne la compétition, elle est fictive, puisqu’il n’y a qu’un seul gagnant – le fameux héros de BD des années 70 parue dans le fameux journal « Der Stern » : Jimmy le cheval en gomme.
Bodruan Parc
L’utilisation de toutes sortes de couleurs sauf la couleur noire était pour moi une façon de commencer une peinture. Comme les impressionnistes, je n’utilise pas de noir dans certains tableaux.
Via Metauro/ Vicolo del Cedro
La Berlinische Galerie à Berlin a voulu acquérir cette œuvre et j’ai été assez stupide pour refuser. Sa proposition ne m’a pas impressionnée et j’ai donc raté l ‘occasion. Maintenant j’essaie de la garder pour une autre musée qui voudrait une œuvre de moi.
Baluardo L.C. Etsagreviano
Cette peinture est celle où l’on voit le plus les touches de peinture – j’avais une main blessée et ai dû arrêter de peindre pendant 18 mois. Je ne pouvais plus la bouger. Cette peinture marque un moment décisif dans ma vie. Après celle-ci j’ai adopté une façon plus simple de concevoir la peinture car l’alternative a été d’être contraint à m’arrêter du fait de me blessure.
Della Russia con Amore
J’ai gardé cette peinture parce qu’elle va servir de peinture préparatoire à une version plus grande (186 x 256 cm environ). Je suis en train de préparer mon studio à plafond plus haut pour les grands formats (entre 4 et 6 m) pour la peindre. L’éclairage doit également être parfait puisque le moindre défaut peut engendrer des discordances de tons entre le haut et le bas de la peinture.
JLR: J’ai vu des personnes tomber en larmes devant tes peintures, ce qui ne s’est jamais produit avec les oeuvres d’autres artistes. As-tu conscience de toucher aussi profondément l’âme humaine ?
SH: Comme je te l’ai dit je ne suis pas un peintre de la réalité. Le problème de la représentation est de trouver d’autres fonctions picturales pour capturer le réel. L’idée est que l’image peinte renferme en elle-même un contenu multidimensionnel de notre rapport au sujet, avec une dimension métaphorique, rhétorique, polysémique, fictionnelle, poétique. L’aspect technique de la peinture n’est pas anodin mais ce qui donne du sens est le contenu pictural. Le discours critique et le discours de l’éducation artistique balancent le spectateur entre un pôle formaliste et un pôle conceptuel. Dans les deux cas le problème de la représentation du sujet est évacué. La question de la représentation du sujet est centrale et interfère avec à la fois les aspects formels et conceptuels. Si des spectateurs se remémorent des souvenirs personnels d’événements majeurs de l’histoire contemporaine qu’ils ont vécu en regardant mes peintures, sans qu’aucun texte didactique ne leur vienne en aide et sans tomber dans l’emphase et la monumentalité, c’est que j’ai su perpétuer la vitalité de l’image peinte.
JLR : Avec quels artistes contemporains te sens-tu des affinités?
SH : Mes affinités en ce moment vont vers les artistes qui écrivent. Je suis arrivé à un stade de mon travail où je sens la nécessité pour moi d’écrire des textes critiques sur mon travail, sur l’idée de peinture, le post-structuralisme, l’incohérence des peintures. C’est nécessaire parce que la plupart des visiteurs interprètent mal les oeuvres, se réfèrent à l’”art de la peinture“ et manquent les concepts sous-jacents. Donc je pense qu’il m’est nécessaire d’écrire, écrire et encore écrire, comme le font Christopher Wool, Lawrence Weiner, Jenny Holzer, Christoph Steinmeyer ou mon artiste préféré: Mark Tansey. Il est un représentant de la peinture postmoderne (comme Sigmar Polke) et je pense qu’il est possible de trouver des points en commun avec mon travail.